
L’essentiel du PROTOCOLE NATIONAL DE DIAGNOSTIC ET DE SOINS

ÉDITORIAL
La neuropathie amyloïde familiale ou amylose héréditaire à transthyrétine (amylose hATTR) est une neuropathie génétique se caractérisant par un âge de début et des atteintes d’organes variables selon les mutations et l’origine géographique. Ses complications sont principalement une perte d’autonomie et une dysautonomie dues à la neuropathie, une insuffisance cardiaque ou des troubles du rythme dus à la cardiopathie, et des troubles visuels dus à l’atteinte ophtalmologique. Près de 500 cas de neuropathie amyloïde familiale sont recensés en France. La neuropathie amyloïde familiale peut actuellement être traitée dès l’apparition des premiers symptômes, requérant un diagnostic précoce. Une fois la maladie installée, un suivi régulier, tant neurologique que cardiologique et ophtalmologique sera réalisé régulièrement, dans l’objectif de dépister précocement les complications pour mettre en place les traitements symptomatiques adéquats. Une coordination des différents acteurs de ce suivi est donc nécessaire au sein de centres de référence pour optimiser la prise en charge de la neuropathie amyloïde familiale. Cette brochure a pour objectif de vous apporter les points clés du Protocole National de Diagnostic et de Soins de la Haute Autorité de Santé et ainsi de vous permettre de vous aider dans votre démarche diagnostique, mais également dans la prise en charge et le parcours de soins de vos patients atteints de neuropathie amyloïde familiale.
Pr David Adams Neurologue Le Kremlin-Bicêtre

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GÉNÉRALITÉS
La neuropathie amyloïde familiale (NAF) est une maladie rare, systémique, de transmission autosomique dominante. Elle ne touche que l’adulte.
Les symptômes sont dus à des dépôts extracellulaires de substance amyloïde, principalement dans le système nerveux périphérique et végétatif et dans le cœur.
Ces dépôts peuvent être dus à des mutations des gènes de différentes protéines, principalement la transthyrétine (TTR), plus exceptionnellement la gelsoline (Agel), l’apolipoprotéine A1 (AApoA1), la beta 2 microglobuline (Aβ2M).

La prévalence moyenne mondiale de la NAF à transthyrétine est estimée à 1/1 000 000 dans la population générale.
Elle peut atteindre 1/1000 dans les régions endémiques que sont le Nord du Portugal, le Nord de la Suède et certains villages du Japon.
En France, plus de 500 cas de NAF sont recensés.
Deux formes cliniques peuvent être distinguées :
- La forme à début précoce : Il s’agit le plus souvent de sujets âgés de 25 à 35 ans d’origine portugaise. Elle concerne 25% des patients en France.
- La forme à début tardif, qui est la majorité des cas en France (75% des patients). La déclaration est tardive (après 50 ans) et les antécédents font défaut dans la majorité des cas.
DIAGNOSTIC ET SUIVI DU PATIENT SYMPTOMATIQUE

Tableaux qui doivent faire suspecter le diagnostic
- Une polyneuropathie évolutive, sensitive ou sensitivomotrice d’étiologie indéterminée après bilan de première intention
- ou une neuropathie étiquetée neuropathie diabétique, PIDC (polyneuropathie inflammatoire démyélinisante chronique) avec une évolution inattendue par rapport au diagnostic initialement retenu
- a fortiori si :
- présence d’une dysautonomie (troubles érectiles, diarrhée, hypotension orthostatique) sans diabète,
- aggravation rapide du déficit sur quelques mois ou années,
- non seulement chez des sujets jeunes de 30 ans d’origine portugaise avec antécédent familial, mais aussi chez des patients de 50 ans ou plus avec ou sans histoire familiale,
- invalidante avec troubles de la marche en 2-3 ans,
- précédée d’un syndrome du canal carpien bilatéral,
- associée à un amaigrissement important de 10%,
- association à une cardiopathie infiltrative ou à des troubles de conduction sévères.
La confirmation du diagnostic repose sur :
- La présence d’une mutation amyloïdogène du gène de la TTR,
- La découverte de dépôts amyloïdes sur biopsie tissulaire, immunomarqués pour la transthyrétine.

L’analyse en biologie moléculaire se fait par séquençage du gène de la TTR situé sur le chromosome 18q.
Plus de 100 mutations amyloïdogènes de la TTR ont été décrites. La plus fréquente des mutations observées en France est Val30Met rencontrée dans les deux tiers des cas. D’autres mutations plus rares telles que les mutations Ser77Tyr et Ile 107Val peuvent être rencontrées.

En pratique
Après avoir informé le patient et demandé son consentement éclairé, le diagnostic moléculaire est réalisé à partir de l’ADN extrait de son sang ou de sa salive. L’analyse devra obligatoirement être réalisée dans un laboratoire habilité. Le résultat sera ensuite transmis au prescripteur qui rendra son diagnostic au patient.
Si aucune mutation du gène TTR n’est retrouvée, la NAF à transthyrétine peut être écartée. La poursuite de l’enquête génétique est alors nécessaire : le séquençage des autres gènes de NAF (gelsoline, apolipoprotéine A1, beta2 microglobuline) par la technique NGS (Next Generation Sequencing) pourra alors être réalisé.
Si une mutation est révélée, l’enquête familiale doit être systématiquement proposée : elle consiste à dépister les porteurs sains de la famille d’un patient porteur d’une anomalie génétique.
La mise en évidence histologique de dépôts amyloïdes est essentielle pour le diagnostic d’amylose. Les dépôts sont identifiés par la coloration au Rouge Congo et aspect biréfringent vert pomme sous microscope polarisé par immuno-marquage anti-TTR.
L’amylose étant systémique, les dépôts amyloïdes peuvent être mis en évidence sur de nombreux prélèvements. Le plus souvent une biopsie des glandes salivaires accessoires est réalisée.
En pratique
Afin d’optimiser la détection des dépôts amyloïdes, le matériel tissulaire devra être en quantité suffisante (au minimum 3 glandes salivaires par exemple).
Attention : Une biopsie négative n’élimine pas le diagnostic et doit amener à renouveler le prélèvement sur d’autres sites, de préférence « symptomatiques » (tube digestif, rein, coeur).


Il s’agit d’une double annonce : celle de la maladie chronique grave et celle de l’origine génétique. Le médecin se devra de délivrer une information lisible et adaptée à la personne afin de permettre une meilleur adhésion pour la prise en charge.
Le médecin expliquera au patient la nécessité de la réalisation de l’enquête génétique familiale et exposera les différents tests qui seront réalisés.
Les retombées sur l’existence du patient et de son entourage peuvent être importantes et une écoute active de l’équipe médicale et un accompagnement par un psychologue sont très importants.
ÉVALUATION DE LA SÉVÉRITÉ DE LA MALADIE

Les explorations permettant d’évaluer la sévérité de la neuropathie amyloïde familiale sont résumés dans le tableau 1.
L’évaluation clinique et les explorations complémentaires seront adaptées aux différents stades évolutifs de la maladie dont la locomotion (tableau 2 et 3) et à même de dépister la dénervation et/ou les atteintes d’organe.
L’exploration neurologique comprendra :
- l’interrogatoire du patient (symptômes), évaluation clinique des paresthésies et douleurs
- la recherche d’une atteinte des petites fibres par le questionnaire SFN-SIQ (small fiber neuropathy symptoms inventory questionnaire)
- l’examen de la force
- l’étude des différentes modalités sensitives
- les réflexes ostéo-tendineux (sous items du score NIS : Neuropathy Impairment Score)
- la force de préhension manuelle avec le Jamar
- une évaluation locomotrice (score PND et FAP)
- la dysautonomie devra être dépistée à l’aide du score CADT comprenant une recherche systématique d’hypotension orthostatique.

Il viendra compléter l’évaluation clinique à la recherche de la neuropathie sensitivomotrice. Il explorera les 4 membres. D’autres techniques existent pour explorer les petites fibres mais ne sont pas disponibles dans tous les centres : la biopsie cutanée par punch, le sudoscan, les potentiels évoqués laser ou le thermotest.
L’atteinte cardiaque est quasi constante au cours d’une neuropathie amyloïde familiale A-TTR.
Elle est souvent « silencieuse », latente et méconnue, alors même qu’elle a une grande importance pour le pronostic.
L’évaluation cardiaque doit permettre :
- D’apporter une information quant au pronostic du patient
- De dépister une dénervation cardiaque sympathique ou parasympathique, très précoce et fréquente
- De détecter une cardiopathie infiltrative (parfois précoce ou isolée)
- De détecter des complications cardiaques qui nécessiteraient une prise en charge spécifique (troubles de conduction +++)
BILAN INITIAL ET BILAN DE SUIVI
Le bilan initial du patient comportera plusieurs explorations et se fera en concertation avec les différents professionnels impliqués. Il servira de référence pour le suivi.
Le bilan de suivi sera dans la mesure du possible standardisé, adapté selon la mutation, le phénotype clinique et le traitement reçu. Il pourra s’enrichir en fonction des plaintes du patient.
PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE
Les objectifs de la prise en charge thérapeutique sont :
- 1De proposer, dans la mesure du possible, un traitement anti-amyloïde
- 2D'initier, si besoin, des traitements symptomatiques
- 3De prévenir et traiter les défaillances d'organes
Différents traitements de fonds anti-amyloïde peuvent être proposés, en fonction de la sévérité de la neuropathie, des manifestations extraneurologiques et de la balance bénéfice / risque pour le patient. Ces traitements concernent la majorité des patients.

La transplantation hépatique permet de supprimer la principale source de protéine TTR mutée. Les indications sont exceptionnelles. La transplantation est indiquée uniquement chez le sujet jeune avec mutation Val30Met, après échec des traitements pharmacologiques. Elle n’empêche pas l’évolution de la maladie par les dépôts de TTR normale (sauvage) chez les sujets âgés de plus de 50 ans.

Le seul traitement pharmacologique disponible à l’époque de la rédaction du PNDS est un stabilisateur du tétramère. Il est indiqué dans le traitement de l’amylose à transthyrétine chez les adultes ayant une polyneuropathie symptomatique de stade 1, pour retarder le déficit neurologique périphérique. Les études initiales de ce traitement ont été réalisées dans une population de patients Met30 à début précoce (population de moins de 50 ans). Chez les patients Val30Met à début tardif ou avec une forme avancée, la progression du handicap (scores fonctionnels) concerne 55% des patients sous traitement, avec parfois une aggravation de la dysautonomie . Chez les patients non Met30, une étude de phase 2 a montré une aggravation clinique à un an. L’efficacité du Tafamidis dans les amyloses à atteinte cardiaque exclusive ou prédominante a été évaluée dans un essai contre placebo.
* Lors de la rédaction du PNDS en 2017, un seul traitement pharmacologique était disponible commercialement en France et 2 nouvelles thérapies en études cliniques ont été commercialisées depuis. Voir la rubrique «Gene Silencing».

Depuis la parution du PNDS, deux nouvelles thérapies avec des mécanismes d'action différents ont obtenu une AMM européenne en 2018 et sont depuis commercialisées en France :
- un ARNi (ARN interférent),
- un OAS (oligonucléotide antisens).
De nombreux symptômes peuvent altérer la qualité de vie des patients :
- Des manifestations neurologiques, avec des douleurs nerveuses « neuropathiques », des troubles végétatifs qui peuvent être digestifs (hauts ou bas), urinaires, sexuels ou bien encore une hypotension orthostatique
- Des complications viscérales qui peuvent être cardiaques, ophtalmologiques et rénales. Il conviendra d’apporter à chaque patient un traitement spécifique à ses manifestations
Il peut être nécessaire d’avoir recours à des dispositifs permettant de palier les troubles conductifs et rythmiques cardiaques, une complication fréquente des NAF. Ainsi le pace-maker ou plus exceptionnellement le défibrillateur peuvent être utilisés.
D’autres dispositifs médicaux peuvent être employés afin de palier ces atteintes neurologiques ou végétatives :
- Orthèses (releveurs de pieds, chaussures orthopédiques)
- Aides à la marche (canne, rolator)
- Tout type d’aménagement nécessaire au foyer sur recommandation d’un ergothérapeute (fauteuil de douche, douche à l’italienne, monte escalier électrique…)
Certains patients doivent avoir recours à un sondage urinaire pour les troubles rétentionnels.

La prise en charge globale du patient repose sur une coopération pluridisciplinaire qui peut être coordonnée par un médecin du centre national de référence ou d’un centre de la filière FILNEMUS, en lien avec les autres spécialistes (neurologues, cardiologues, ophtalmologistes,..) et les équipes paramédicales.
Un programme d’éducation thérapeutique peut également être proposé au malade.
De plus, il est également important de l’informer de l’existence d’une association de patients :
L’association française contre l’amylose
CENTRES DE RÉFÉRENCES DES NEUROPATHIES AMYLOÏDES FAMILIALES ET AUTRES NEUROPATHIES RARES
Le centre de référence national des neuropathies amyloïdes familiales et autres neuropathies périphériques (CHU Bicêtre) et les centres d’expertises dans la prise en charge de l’amylose hATTR peuvent vous aider dans votre démarche de diagnostic et suivi.

Site coordonnateur
APHP- Kremlin Bicêtre
Pr David Adams
www.nnerf.org
Pour connaître la liste des centres habilités à réaliser le test de dépistage, rendez-vous sur le site orpha.net
